Je suis né dans une
famille où les câlins n'existaient pas, sitôt passé le sevrage
tactile. J'ai découvert le toucher en 1986, il y a vingt-sept ans.
J'avais alors trente-cinq ans. C'était dans le cadre d'un stage de
massages à Paris que m'avait proposé et offert un ami, décédé
depuis. J'ai observé à l'occasion de ce stage divers phénomènes
bizarres touchant au psychisme et résultant des massages.
Il s'agissait d'un
massage genre massage californien, en partie programmé, en partie
spontané, opéré avec de l'huile de pépins de raisin parfumée à
la lavande. Toute la surface des personnes présentes était
concernée, exceptées les parties génitales. La monitrice nous
avait prévenu sans autres précisions ou développements : « Ce
n'est pas sexuel ». Nous étions tous nus, trois garçons pour
un groupe de filles.
En massant un jeune homme
j'ai découvert le toucher non homosexuel. Auparavant, toucher un
homme était assimilé pour moi à l'homosexualité. N'étant déjà
pas à l'aise avec l'hétérosexualité, je l'étais encore moins avec
l'homosexualité. Disons que sexuellement, exceptée ma petite amie
d'alors, je fuyais de facto toutes les femmes. Et les hommes
me faisaient encore plus peur.
Je ne connaissais pas le
toucher. J'ai pu constater que certains, suite à un long massage,
faisaient une sorte de crise de nerfs. Rapport aux seul type de
contact « physique » qu'ils connaissaient en temps normal
avec des adultes : celui dit « sexuel ». Au moins deux
dames ont fait une crise de larmes mêlée à des récriminations
contre des hommes qu'elles avaient fréquenté.
Le soir du premier jour,
un des participants devait s'en aller pour revenir le lendemain. Tous
les autres dormaient sur place. Quand ce participant, un homme, s'en
allait, un nouveau phénomène lié au toucher s'est produit.
Une journée passé à se
masser les uns les autres et voir les autres le faire et être vu le
faisant par eux avait modifié notre approche de l'autre. Quand,
machinalement, j'ai tendu la main pour saluer cet homme, ça a paru
tellement absurde et évident qu'on ne pouvait se quitter qu'en se
faisant la bise, que nous avons tous rit. Une sorte de douceur
irrésistible et neutre nous avait gagné.
Le lendemain, je me
souviens qu'à plusieurs reprises j'ai été amené à aller vers une
grande et belle jeune fille blonde de 17 ans. Et la serrer dans mes bras avec beaucoup de
plaisir et sans aucun à-priori de drague ou quoi que ce soit
d'approchant. C'était une étreinte pure. Pas dans le sens « pureté
morale », mais pureté du geste. Cela, sans plus, rien d'autre
et le plaisir partagé en le faisant. Ce n'est pas ce qui arrive « en
temps normal » dans notre société. Et nous étions nus tous les
deux !
Un phénomène très
étonnant nous avait été d'entrée de stage décrit par la
monitrice qui nous encadrait. Elle nous avait dit que le massage
pouvait induire un état où le massé partait dans un enchaînement
de mouvements très harmonieux mimant quelque chose. Une sorte d'état
particulier, ni de sommeil, ni d'éveil. Elle avait cité une fille
qui avait mimé très joliment l'éclosion d'une fleur. Par la suite,
au cours d'un massage, cette dame était partie dans cette sorte
d'état. Elle maniait visiblement une rame imaginaire. Je m'étais
demandé si elle ne mimait pas volontairement et consciemment ces
gestes, pour nous berner, nous mystifier et se faire valoir auprès
de nous par ses propos.
Or, au cours d'un massage, j'ai moi-même ressenti ce curieux état. J'étais massé par la fille de la monitrice, qui participait au stage. Elle s'était placé en tête de la table de massage et avait posé mon bras gauche sur son épaule. A un moment donné, j'ai senti mon bras, sans que je le lui commande, effectuer un lent mouvement gracieux en arc de cercle pour rejoindre la table. J'ai parfaitement bien senti qu'il ne tombait pas et que je ne le dirigeait pas. La masseuse la remis sur son épaule. Il est reparti pareil. Alors elle la replacé sur son épaule et coincé avec son bras. Le phénomène s'est arrêté. Mais j'avais ressenti ainsi son début. J'ignore de quoi il s'agit et n'en ai aucune explication.
Or, au cours d'un massage, j'ai moi-même ressenti ce curieux état. J'étais massé par la fille de la monitrice, qui participait au stage. Elle s'était placé en tête de la table de massage et avait posé mon bras gauche sur son épaule. A un moment donné, j'ai senti mon bras, sans que je le lui commande, effectuer un lent mouvement gracieux en arc de cercle pour rejoindre la table. J'ai parfaitement bien senti qu'il ne tombait pas et que je ne le dirigeait pas. La masseuse la remis sur son épaule. Il est reparti pareil. Alors elle la replacé sur son épaule et coincé avec son bras. Le phénomène s'est arrêté. Mais j'avais ressenti ainsi son début. J'ignore de quoi il s'agit et n'en ai aucune explication.
A la fin du stage, nous
sommes reparti en voiture, la monitrice, plusieurs personnes du stage
et moi. Il tombait de la neige à gros flocons, comme rarement cela
arrive à Paris. Je me souviens que nous bavardions et approuvions en
commun l'idée que les massages manquent cruellement à la société.
S'il y en avait beaucoup, les gens seraient meilleurs.
A l'époque, la
pornographie n'était pas aussi envahissante qu'aujourd'hui. Je me
souviens qu'après mon travail j'allais déjeuner dans une sorte de
cantine rue de Tournon. Pour y aller, je prenais un
autobus. A l'arrêt où je descendais se trouvait un kiosque à
journaux. Le célibataire craignant les femmes que j'étais ne le
manquait pas. J'allais à chaque fois dévorer des yeux les
couvertures des magazines qui affichaient de l'épiderme féminin de
façon audacieuse. Or, je me suis étonné au sortir du stage, en
passant près de ce kiosque, ou d'autres devantures de marchands de
journaux ailleurs. Durant deux ou trois semaines je n'éprouvais
rigoureusement aucun intérêt pour la pornographie. Et pas plus pour
la masturbation.
Autre conséquence
« sexuelle » du stage. Durant à peu près la même
période, me retrouvant en compagnie de ma petite amie, il m'arrivait
des érections d'une dureté que je n'avais jamais vu jusqu'à
présent. On aurait dit que mon membre avait pris une consistance
ligneuse et était comme du bois. Ma petite amie en était surprise
et m'en a parlé. Puis, ce phénomène est passé.
Ma sensibilité sexuelle,
elle, restait médiocre comme elle l'avait pratiquement toujours été.
Voilà donc les divers
phénomènes que j'ai pu observer en marge de ce stage de massages.
Par la suite, j'ai essayé
d'améliorer la situation du toucher dans la société. Et n'y suis
jamais arrivé. Il faut dire que la terrible confusion régnante à
propos du toucher ne me favorisait nullement.
J'ai écrit pas mal de
textes sur le toucher, dont quatre petites brochures.
J'ai même confectionné
un jour un panneau et, avec des tracts ou une brochure, je ne me
rappelle plus très bien, ai été diffuser mes idées à l'entrée
de l'hôpital de la Pitié à Paris. Je l'ai fait une fois. Et eu à
cette occasion une discussion avec une infirmière qui prenait son
service et m'a emmené voir le cadre misérable et délabré de son
local de prise de service.
Elle m'a plaidé dans le
domaine du toucher la théorie de « la bulle ».
Soi-disant nous aurions tous « une bulle » autour de
nous. Dans laquelle nous ne laisserions entrer que certaines
personnes sélectionnées. Et ce serait là la chose la plus banale,
normale et légitime du monde.
Cette théorie niant le
caractère de besoin universel du toucher.
Vingt-sept ans de
réflexions après mon stage de massages de 1986, je vois plus
clairement la question tactile. Je crois toujours à son caractère
fondamental, essentiel.
Et, sans prétendre
changer le monde entier, j'espère au moins parvenir à un peu
améliorer ma vie à la lumière d'une certaine compréhension que je
crois avoir acquis.
Quant à la société qui
m'entoure en général, concernant le toucher, elle me paraît en
triste état. Et ne pas être spécialement en voie d'amélioration.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 24 août 2013
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