Une affiche protestant
contre la légalisation officielle du mariage entre personnes de même
sexe proclamait dernièrement sur un mur parisien : « et
après, la polygamie ? » Sous-entendu que « le mariage
pour tous » ouvrirait la voie à l'autorisation légale de la
polygamie.
Ce que beaucoup ignorent
ou feignent d'ignorer, c'est que la France a été un pays où
existait officiellement la polygamie. Elle a été abrogée le 13
avril 1946 par la loi Marthe Richard supprimant officiellement la
prostitution réglementée.
Avant cette date, aller
au bordel était une distraction masculine autorisée et très bien
vue. Au début des années 1940, un camarade de captivité de mon
père lui demandait : « et avant ton mariage, tu as été au
bordel ? » « Non, » répondait mon père. « Ah
! Tu as manqué quelque chose ! »
L'interlocuteur de mon
père était un très honorable chirurgien de Toulouse qui officiait
à l'hôpital du Stalag 8A de Görlitz en Silésie. Pour lui, le
bordel était un lieu fréquentable avant le mariage. Pour beaucoup,
il l'était aussi après. Mais qu'est-ce qu'un bordel ? Réponse :
c'est un harem collectif. Au lieu d'avoir leur harem personnel, les
clients du bordel se partagent les femmes prostituées.
Pour bien marquer la
différence entre elles et les femmes « honnêtes » on
disait dans les années 1930 : « les filles ». C'était
des filles, pas des femmes. Mais en fait, la différence ici est
purement sémantique.
Donc la France a connut officiellement la polygamie durant très longtemps.
Donc la France a connut officiellement la polygamie durant très longtemps.
Trace de celle-ci, dans
les années 1960, il était courant d'entendre affirmer que les
hommes avaient d'irrépressibles besoins sexuels qui les amenaient à
cavaler, tromper leur femme, être « infidèles », mais
ça n'était pas grave. C'était « la Nature ». Par
contre, une femme qui découchait, c'était inadmissible. Si elle
cavalait, c'est-à-dire multipliait les aventures sexuelles, c'était
« une pute », même si elle ne se faisait pas payer.
Plus tard, vers le milieu
des années 1970, j'ai entendu dire à propos des femmes multipliant
les aventures sexuelles : « ce sont des salopes ». Et un
ami ajoutait : « c'est un compliment ! »
Il y avait deux poids,
deux mesures différentes, s'il s'agissait d'hommes ou de femmes.
De nos jours, une grande
nouveauté est que les femmes ont obtenu le droit d'affirmer leur
sexualité et leurs désirs sexuels sans se faire automatiquement
insulter de la sorte, en face ou dans leur dos. C'est très nouveau
par rapports à il y a une trentaine d'années.
Je me souviens très bien
de quelqu'un qui m'expliquait il y a juste trente ans de ça que pour
devenir l'amante d'un ami à elle, il fallait absolument qu'elle
évite d'exprimer directement son désir. Car sinon elle passait pour
une prostituée. Au moins jusque dans les années 1970 à Paris, les
filles ne pouvait pas non plus choisir leur cavalier au bal. Elles
devaient attendre d'être invitées à danser. Sauf si on annonçait
qu'on faisait momentanément « le bal à l'américaine ».
Là elles pouvaient inviter. En cinquante ans le statut de la femme a
beaucoup évolué dans la société française. En 1968, deux très
jeunes filles parisiennes montraient à ma famille leurs photos de
vacances au bord de la mer. Au fur et à mesure qu'elles les
faisaient défiler, elles en retiraient soigneusement au préalable
celles où on les voyait en maillot de bain. Une telle façon d'agir
était parfaitement habituelle à l'époque. Le contraire aurait
passé pour une très vulgaire provocation sexuelle.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 4 février 2013
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