Quand j'étais petit, ma
famille était dans la misère noire. Nous vivions à Paris. Dans les
années 1950-1960, ma mère achetait fréquemment du poisson. A
l'époque il était souvent très bon marché. Je me souviens encore
du prix de la raie, un poisson pas cher que je détestais : 3 francs
15 le kilo.
Quand on achetait du
poisson, il existait un rite : entre le moment de payer et celui où
le poissonnier finissait de rouler le poisson dans son emballage de
papier blanc, il prenait un bouquet de persil et l'ajoutait au
poisson. C'était gratuit. Le persil était à l'époque gratuit.
Bien plus tard j'ai été surpris quand j'ai vu du persil en vente.
Et c'est devenu de nos jours habituel de le payer pour en obtenir.
Et pourquoi ne
développerait-on pas demain ou après-demain un système de magasins
gratuits où, comme hier pour le persil, on se servirait ou on serait
servi sans donner en échange de l'argent ?
« Vous êtes fou !
Diront certains. Si cela arrive, les gens se serviront et videront
les magasins pour emporter le plus possible de choses chez eux, du
moment que ce sera gratuit ! »
Et pourquoi donc ? Et si ça devenait le cas, on pourrait l'interdire en punissant cette
conduite.
Un tel système
fonctionne déjà, d'une certaine façon, dans des restaurants
chinois avec menu à volonté. Je l'ai vu à Écouen et à Paris. Il
est précisé que ceux qui gaspillent de la nourriture en laissant
celle-ci pour la poubelle dans l'assiette paie une somme
supplémentaire : 5 euros.
Et croyez-vous que le
système où on doit payer et où on est puni si on se sert sans
payer soit meilleur, plus moral ?
Un homme, une femme qui a
faim, ou dont les enfants ont faim et qui n'a pas d'argent, n'a pas
le droit de prendre au magasin de la nourriture sans payer. Vous
trouvez cela bien ?
Une vieille dame âgée
de 94 ans devait 40 000 euros à sa maison de retraite. On vient de
la jeter dehors. Les journaux en ont parlé ces jours-ci.
Oui, mais, ils en ont
parlé parce que c'est la première vieille dame de France qui est
jetée dehors de la sorte. Ou du moins, plutôt la première dont la
mésaventure arrive jusqu'aux journaux.
Après, si ça continue
dans la logique du MEDEF, du FMI, de la BCE et
de la Commission Européenne, c'est à dire du capitalisme, il
y en aura d'autres, des dizaines de milliers d'autres.
Et on n'en parlera plus
que dans des rubriques spécialisées en pages intérieures du
journal, de temps à autre.
Exactement comme pour le
premier clochard retrouvé mort de froid dans un parking du 13ème
arrondissement de Paris, il y a des années de ça.
Tous les journaux en ont
parlé.
Et depuis, chaque année,
c'est par dizaines, centaines, que des pauvres meurent de froid, de faim en France dans
la rue. Les journaux n'en parlent plus que de temps en temps pour
annoncer un relevé statistique des victimes. On s'est habitué. Avec
les vieux jetés dehors des maisons de retraite pour impayés, vous
allez voir, ce sera pareil. A moins que tout change.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 8 janvier 2013
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire