L'année 2012 qui vient
de s'achever au moment où j'écris s'est caractérisée par un grand
événement annoncé pour le 21 décembre : la fin du monde
que les anciens Mayas avaient soi-disant prévu pour cette date.
Avides de remplir leurs
médias avec rien, des journalistes en ont beaucoup parlé.
Bien sûr, il y a de quoi
rire de tels bobards. Mais certaines catégories de personnes ont été
passablement et véritablement effrayées par cette « prédiction ».
Au nombre de celles-ci, bien sûr, les personnes fragiles et
superstitieuses. Et également beaucoup d'enfants qui, entendant
répéter l'annonce, finissaient par s'inquiéter. Certains
m'interrogeaient pour savoir si c'était vrai. Pourquoi ?
Parce que les enfants
vivent dans un monde différent du nôtre. Dans celui-ci le rêve et
la réalité s'entrecroisent, s'imbriquent, se mélangent. La
frontière entre la vie réelle, les films, les images aperçues, les
propos entendus, les rêves, n'est pas nette.
Une petite fille me
demandait : « est-ce que les fées existent ? » Ne
voulant pas la décevoir, j'ai répondu : « c'est possible ».
La même, par la suite m'a déclaré : « les fantômes
existaient, à présent il n'y en a plus. » J'ai eu beau alors
lui dire que les fantômes n'avaient jamais existé, elle n'en
démordait pas. Elle savait que les fantômes avaient existé
et ensuite disparu.
La même fillette parle
fréquemment de ses sœurs. Y compris avec des détails : « ma
petite sœur m'attendait à l'aéroport », me dit-elle par
exemple. Elle est très attachée à ses sœurs. Vous me direz que
c'est bien normal. Aimer ses sœurs va de soi. Petit problème : elle
est fille unique.
Pourquoi, quand, comment
a-t-elle décidé qu'elle avait des sœurs, je n'en sais rien. La
logique du discours enfantin échappe à la logique. Si ça se
trouve, initialement elle savait parfaitement qu'elle n'en avait pas.
Mais à force d'en parler, elle a fini par être persuadée du
contraire.
Nous, les adultes,
avons appris à être raisonnable. A ne reconnaître
comme réel que la réalité et tracer une frontière
infranchissable entre celle-ci et le rêve, le monde de l'imaginaire.
Il n'existe plus de fées,
fantômes, sœurs imaginaires. Il n'y a plus que la réalité sèche,
vide, sans intérêts. Vous avez vu la tête des gens le soir dans le
métro quand ils rentrent du travail ? Ils sont dans le monde réel.
Ils ne croient plus à grand chose d'exaltant. Mis à part peut être
gagner un jour au tiercé ou au loto, et devenir riche.
A devenir raisonnable,
je ne suis pas certain qu'on gagne au change. Il vaut mieux croire
aux fées et aux fantômes qu'au pognon.
Quand je pense aux
croyances enfantines, me revient à l'esprit un passage de mémoires
écrites par un soldat de l'armée de Napoléon 1er. Un soir, en
Espagne, il observe un groupe de dames qui se raconte des histoires
horribles remplies de diables et sorcières. A la fin, elles
s'arrêtent toutes de parler, tremblantes de peur du fait des récits
entendus. Ces femmes sont un peu comme les enfants. Ces derniers,
bizarrement, aiment aussi avoir peur. On me l'a dit et je crois que
c'est vrai. Les histoires de monstres, les enfants aiment ça. Ils
sont tous aussi un peu poètes. Pour les adultes, être poète, c'est
hélas plutôt une spécialité réservée à une minorité, voire
une faiblesse d'esprit. A Turin, un jour, un général, vieil
historien très érudit, m'a demandé ce que je faisais dans la vie.
J'ai répondu tranquillement : « poète ». Ça l'a fait
sursauter et me regarder ensuite avec quelque perplexité.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 7 janvier 2013
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