Dans notre culture, il
est classique de parler de « grands initiés ». On nous
les présente souvent comme des personnes hors du commun, presque des
sortes de « surhommes », qui ont accédé à un savoir
secret et mystérieux, ésotérique voire magique, réservé à une
« élite », et leur permettant d'acquérir des pouvoirs
supra-normaux. Ce serait autant dire des « mutants par le
savoir », appelés à devenir nos « gourous », nos
« maîtres ». Je ne souscris pas à ce type de
définition, bonne pour des romans ou des publications commerciales à
prétention « sensationnelles ».
Nous avons tous à
progresser dans la compréhension du monde dont nous avons hérité
de notre milieu culturel et familial. Cette progression s'effectue en
nous par la recherche personnelle et pas par l'accès à des livres
de recettes magiques et providentielles. Quand nous progressons, nous
nous simplifions, débarrassons d'idées fausses et préconçues,
élargissons notre champ de vision et augmentons l'audace de notre
pensée contre la misère de la « pensée unique » qui
cherche à nous empêcher de nous servir de notre tête.
Ainsi, avec les années,
nous franchissons étape après étape un chemin de connaissance et
de reconnaissance de la réalité, qui nous permet de mieux découvrir
le monde. On peut le figurer comme une succession de portes
intérieures que nous franchissons l'une après l'autre.
Cette progression est
tout à la fois théorique et pratique, intellectuelle et
sentimentale.
Il arrive parfois que
nous franchissions une grande étape d'un coup, plus qu'une porte, un
très grand portail.. Après celui-ci, nous réalisons que notre
vision d'un très grand nombre de choses s'est modifiée d'un coup.
C'est comme un éclairage nouveau se projetant sur un ensemble de
faits et connaissances qui nous étaient déjà familiers.
Nous remarquons alors que
cette progression est personnelle et qu'il nous est impossible de la
faire directement partager aux autres, car aucun discours ne peut
parvenir à rapporter notre vécu.
La plupart de nos
contemporains ont le cerveau bridé par la censure de la société.
Quand nous dépassons celle-ci par un pas important, on peut dire
que nous devenons de « grands initiés ».
Pour prendre un exemple :
dans un texte antique grec que j'ai vu citer, un philosophe parlait
de la condition de la femme et du travail domestique. Ses propos
paraissaient à moi des plus modérés. Mais, un commentateur actuel
avait ajouté à ce texte que certainement le philosophe antique
avait abouti à des conclusions bien plus audacieuses. Il aurait
acquit la certitude de l'égalité entre la femme et l'homme. Mais,
en son temps, une telle affirmation paraissait beaucoup trop
audacieuse, alors il avait modéré son propos.
Si cela est vrai, ce
philosophe correspond bien à ce que j'entends comme étant un
« grand initié ». Par notre progression personnelle,
nous pouvons tous tendre à le devenir, sans pour autant prétendre
nous transformer en magnétiseur, oracle ou magicien.
Dans les arts, nous
pouvons également devenir de « grands initiés ». A une
dame qui lui posait la question : « est-il facile ou difficile
de composer un opéra ? » le compositeur Reynaldo Hahn
répondait : « Madame, la question est mal posée. Ou c'est
facile, ou c'est impossible ! » Celui pour qui il est facile de
composer un opéra est un grand initié dans le domaine de l'opéra.
Et sans prétendre toujours arriver à devenir un « grand
initié », fixons-nous inlassablement pour but de progresser
notre vie durant par rapport à nous-mêmes.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 22 décembre 2012
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