Au début de sa vie, l'être humain vit en symbiose,
fusion, osmose avec son environnement maternel. Sa mère, il vit
dedans elle, dans la chaleur de celle-ci, à l'écoute de son cœur,
sa respiration, ses bruits internes, la circulation de son sang.
Entend sa voix. Ressent ses émotions. Soudain, un jour, un
bouleversement survient. Il est terriblement comprimé. Des secousses
lui font parcourir une sorte de couloir de chair. Et il sort par un
orifice dans un environnement nouveau. A l'odeur, il sent quelque
chose d'intéressant qui l'attire irrésistiblement. Sur une surface
chaude et familière il rampe très vite vers deux masses élastiques.
Colle sa bouche sur le bout dur d'une de celles-ci, suce et reçoit
dans la bouche un liquide tiède et délicieux. Et puis, très vite,
on commence à détacher le nouveau venu de son environnement. Où
sont également présents les autres humains qu'il découvre. On le
lave. Et au lieu de sentir son odeur corporel, il commence à puer le
savon. Odeur qu'on lui fera aimer comme synonyme de propreté. On
l'habille. Et on va lui apprendre que certaines parties de lui et des
autres sont prohibées, interdites à la vue et au toucher. Même au
toucher sur soi-même. Il en est de même pour ses familiers
excréments et sa familière urine avec lesquels on lui interdit le
contact, voire jouer avec ou y gouter. Les interdits, règles,
habitudes, traditions, lois pas toujours compréhensibles ni
justifiées vont s'abattre en avalanche sur lui. Il subira un sevrage
tactile plus ou moins violent.
Ce faisant, à travers son histoire, il perdra
progressivement confiance en lui et ses frères et sœurs, les autres
humains. Il se sentira solitaire, insatisfait, malheureux. Sans
forcément penser qu'il est malheureux. Et cherchera à retrouver ce
qu'il a perdu.
Dans sa recherche il va rencontrer tôt ou tard
quatre pièges, quatre fléaux : l'argent et la « propriété »,
le sexe arbitraire et artificiel, la violence et le mensonge.
Pour des raisons psychologiques intéressantes à
étudier, l'acquisition de l'argent et la « propriété »
en général, vaudront pour lui apparence de satisfaction de sa
carence « confiancière ». Posséder plein d'argent
deviendra même pour certains une véritable obsession, une maladie
que Aristote a nommé il y a 2300 ans la « chrématistique ».
Les malades atteints de cette maladie dominent aujourd'hui le monde.
On peut la rencontrer aussi à des niveaux de responsabilités
moindre.
Le second fléau : le sexe arbitraire et artificiel
est un fléau insidieux, une sorte de poison subtil et difficile à
identifier. Il vient perturber la vie de quantité de gens, y compris
pleins de bonne volonté. Il consiste en la recherche de la
compensation du manque tactile par une relation dont le but est le
coït. Une relation en quelque sorte codifiée, ritualisée. Alors
qu'on ne désire pas le coït, on va considérer qu'il faut, qu'il
est bien, nécessaire, inévitable d'y arriver dans certaines
circonstances. Par exemple, si on est « officiellement »
amants et au lit. Or, il n'y a rien de plus efficace à terme pour
détruire une relation entre humains que faire l'amour sans en avoir
effectivement envie. Cette envie, quand elle est authentique, peut
être qualifiée comme s'exprimant à travers un désir particulier
correspondant. Et non une habitude issue de la pratique d'une idée
intellectuelle acquise. Idée consistant à se dire : « bon,
là, on y va, c'est le moment ». « Ça ne peut pas faire
de mal. » « Ce serait dommage de ne pas saisir
l'occasion. » « De toutes façons, l'autre en a envie. »
« C'est mon rôle d'agir ainsi. » Techniquement ça peut
marcher, du moins durant un certain nombre d'années. Mais le reste
ne suit pas. Il s'agit d'une sorte de boulimie particulière. Pour
l'identifier et la rejeter - non pas rejeter l'acte sexuel bienvenu
mais son imitation artificielle d'origine culturelle, - il m'a fallu
quatre décennies. Non sans mal j'y suis arrivé. Quand on cesse de
suivre ici la tranchée de la pensée unique, on trouve la clé du
Paradis. La porte n'est pas d'emblée là, mais on abandonne un
impasse qui ne mène qu'à des désillusions.
Étrangement, dans ce domaine en agissant ainsi on
sort du lot commun de la multitude. On commence à voir alors le
monde différemment. On cesse de partager la manière générale de
penser de la masse affamée alentour. On n'a plus d'intentions à
l'égard de jolies personnes rencontrées. On vit simplement
l'instant présent. On rend au coït sa petite place dans la vie. Et
on quitte l'importance hypertrophiée qu'il a dans la culture
régnante dans notre Civilisation. C'est assez bizarre comme
sensation de quitter un ensemble d'illusions qu'on a poursuivi durant
de nombreuses années. Et partagé avec son entourage, sans l'avoir
vraiment jamais choisi. Perdre des illusions, c'est parfois un peu
douloureux. Mais c'est surtout s'enrichir. Se libérer. Et s'ouvrir
au monde et ses opportunités.
Le troisième fléau mentionné est la violence.
Quand on souffre et ne comprend pas ce qui nous arrive, la violence
est une tentation facile. « C'est la faute aux autres ! »
« Toutes des salopes ! » « Mais, que veulent donc
les femmes ? » « L'amour, quel fléau ! » Sont
autant de cris du cœur, qui témoignent de la détresse et
l'incompréhension des causes de notre souffrance. La violence peut
aussi être « physique » : suicide, meurtre, etc. En
amour, les humains font souvent de grands efforts pour faire leur
malheur. Et ces efforts sont récompensés. La violence ne mène à
rien.
Le quatrième fléau est le mensonge. On croit qu'on
va arranger les choses de l'amour en mentant. On n'insistera jamais
assez sur les conséquences déplorables et dévastatrices de la
pratique du mensonge. Combien d'humains croyant bien faire et se
rendre plus efficaces dans leur quête de l'amour n'arrêtent pas de
mentir ? Ce n'est pas ainsi qu'ils trouveront ce dont ils ont besoin.
J'ai eu la chance de rejeter très tôt le mensonge
de ma vie. J'ai toujours eu horreur de la violence. J'ai, par chance,
fruit de la culture aristocratique de mes aïeux, été toujours
assez indifférent à l'envie de posséder de l'argent et de la
« propriété ». En revanche, j'ai mis beaucoup de temps
à me débarrasser du quatrième fléau : le sexe arbitraire et
artificiel. Je serai heureux si ce texte peut aider quelques-uns de
mes lecteurs à parvenir plus rapidement à se libérer de ce fléau.
Et trouver ainsi la clé du Paradis.
Basile, philosophe naïf, Paris le 16 février
2014
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