Cette proposition est issue de deux réflexions,
l'une sur l'hôpital, l'autre sur le Carnaval.
D'une part, j'ai fréquenté assidument votre
service à l'hôpital Percy durant plusieurs années, suite à
l'hospitalisation d'une personne proche à laquelle je rendais
visite. J'ai pu constater au cours de ces années le problème
suivant : les malades qui sont hospitalisés pour une longue durée
ou des hospitalisations brèves à répétition et qui reçoivent des
visites, progressivement en reçoivent de moins en moins. Le résultat
est qu'ils se tournent naturellement vers la fréquentation d'autres
malades. Celle-ci reste encadrée, par exemple par l'interdiction
faite à chaque malade d'en recevoir d'autres dans sa chambre.
Cependant, le résultat est que le cercle d'amis tend à se résumer
à des personnes qui ont des problèmes de santé importants. Et ça
n'est pas forcément ce qui se fait de mieux pour le moral. Problème
aggravé quand il s'agit de maladies psychiatriques. Et, quand ils
quittent l'hôpital, les malades sont confrontés à l'isolement
engendré par l'arrêt de leurs activités habituelles. Et de leurs
relations qui ont cessé de leur rendre visite durant leur
hospitalisation. Ce qui ne peut qu'influer négativement sur leur
état de santé ultérieur. En particulier quand il s'agit de
problèmes psychiatriques.
Quand j'ai été témoin de cette situation, qui se
reproduit certainement dans d'innombrables établissements
hospitaliers militaires ou civils de par le monde, je me suis
interrogé sur la possibilité d'y remédier.
Ce qui m'a amené à chercher à adapter le résultat
d'une autre réflexion pour résoudre ce problème.
Depuis plus de vingt ans j'étudie les formes
d'organisation festive du Carnaval. Chose qui à ma connaissance
n'avait pas été faite auparavant. Il se trouve que le Carnaval est
particulièrement fort et développé dans la ville de Dunkerque et
les villes alentours. Pour quelle raison ? J'ai mis dix-huit années
pour trouver la réponse.
A Dunkerque et dans les villes alentours existe une
forme d'organisation festive jadis courante en France. Et qui
s'appelle généralement la goguette. Elle peut aussi porter d'autres
noms.
La goguette est quelque chose de très simple qui a
des conséquences énormes sur le plan festif et convivial. Il s'agit
d'un groupe qui doit absolument rester petit, compter moins de vingt
membres. Et ici, pour les groupes de Dunkerque et sa région, le
nombre maximum s'établit à douze, excepté pour trois ou quatre
sociétés d'ampleur plus importante.
Les goguettes se réunissent ponctuellement dans le
but de passer un bon moment ensemble, boire, manger, bavarder,
danser, chanter des chansons, créer des chansons.
Jadis en France il existait des milliers de
goguettes, dont des centaines à Paris. A l'époque, le Carnaval
était très grand et prospère à Paris et dans tout le pays.
Suite à l'augmentation du nombre de leurs membres,
les goguettes ont disparu presque partout. Et ont ensuite été
oubliées. Cette augmentation est intervenue à partir de 1835, date
à laquelle elles furent autorisées à compter plus de dix-neuf
membres. Auparavant, c'était formellement interdit en France de
regrouper pour quelque motif que ce soit plus de dix-neuf personnes
dans une société organisée.
Pour des raisons qui relèvent à mon avis de la
nature-même, dès qu'un groupe humain atteint vingt membres, il perd
son unité. Et souffre de quantité de soucis qui, à la longue, le
font le plus souvent disparaître.
A Dunkerque et dans sa région ceci n'est pas arrivé
pour des raisons circonstancielles locales.
Les goguettes étaient des goguettes de
marins-pêcheurs. Les marins-pêcheurs de Dunkerque et sa région
partaient chaque année à la pêche à la morue au large de
l'Islande et de Terre Neuve dans de petits bateaux : les lougres. Les
équipages de ceux-ci étaient de douze hommes.
Résultat de cette origine des goguettes, à
Dunkerque et dans les villes alentours, elles sont traditionnellement
restées petites. Pour un Dunkerquois, une goguette, appelée là-bas
« société philanthropique et carnavalesque », doit
évidemment rester petite.
Si on observe le Carnaval dans la région de
Dunkerque, là où étaient les marins-pêcheurs, il est partout
énorme et les goguettes subsistent. Dès qu'on s'éloigne un peu,
par exemple jusqu'à Lille, il n'y a plus rien.
Cette forme goguettière m'a inspiré la réponse au
problème du confinement des malades hospitalisés que j'ai pu
observer à l'hôpital Percy.
Former des groupes de malades qui se réuniraient
ponctuellement pour chanter des chansons.
Cette activité serait organisée en telle sorte
d'éviter que des malades d'un même service forment la totalité
d'une goguette. Ainsi, on éviterait le confinement ensemble pour
chanter de malades relevant d'une même pathologie.
Ces groupes seraient encadrés par des bénévoles
extérieurs intervenant à l'hôpital ou des membres des équipes
médicales.
La pratique goguettière pourrait ainsi rejoindre
d'autres activités développées au sein de l'hôpital pour
maintenir ou relever le moral des malades.
Elle profiterait de la présence de certains malades
plus naturellement animateurs que d'autres.
Reprendre en chœur le refrain de chansons chantées
par certains. En créer des nouvelles. C'est possible. Et ne
nécessiterait aucun financement particulier.
Cette pratique développée à l'hôpital Percy
pourrait être étendue aux autres hôpitaux militaires de France, de
l'étranger, aux hôpitaux civils.
La pratique goguettière en hôpital pourra donner
aux malades l'envie de la poursuivre à la sortie de
l'hospitalisation. Et réduire ainsi les risques d'isolement social
qui sont engendrés par les longues hospitalisations.
Ma proposition est simple. Mais elle est le fruit de
vingt années de réflexion et d'étude du Carnaval et de son
histoire.
Si vous souhaitez que nous en parlions ensemble, je
suis à votre disposition pour le faire.
Basile, philosophe naïf, Paris le 27 décembre
2013
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