Il y a quelques
décennies, une expérience fut tentée, je crois aux États-Unis.
Sur une liste de candidats au mariage furent sélectionnés deux
partenaires théoriquement idéalement accordés pour s'entendre. Les
deux potentiels tourtereaux se virent offert une semaine de vacances
ensemble, dans le meilleur cadre possible. On attendit le résultat.
L'amour allait-il naître ? Les expérimentateurs en furent pour
leurs frais. Certes, les deux potentiels tourtereaux passèrent une
semaine agréable. Mais en aucune façon tombèrent amoureux. Les
organisateurs de l'expérience restèrent perplexes.
Pourtant, l'explication
existe. Il manquait à ces deux personnes au moins un aspect
fondamental de la rencontre. C'est la rencontre elle-même.
Pour se rencontrer
vraiment, il faut la découverte l'un de l'autre. La surprise de
s'accorder... Là, la messe était dite. Dès le départ il était
prévu, annoncé et connu que l'accord devait se faire,
mécaniquement, automatiquement. La vie n'est pas si simple. Agir
ainsi, c'est lui faire violence.
La méthode pour marier
utilisée ici n'est pas nouvelle. Durant des siècles, elle fut
employée pour les rois et les nobles en général. On listait les
épouses potentielles et on négociait leur importation. Certes, des
critères politiques d'alliance étaient fréquemment seuls suivis.
Mais on peut supposer que ce n'était pas toujours le cas. Ce qui est
certain, c'est que ces couples procréaient et ne s'aimaient pas. Il
y a peu d'années, une commentatrice proférait joyeusement à ce
propos une flamboyante ânerie : « ils finissaient par s'aimer
! La preuve, ils ont eu beaucoup d'enfants ! »
La manière la plus
efficace d'empêcher une rencontre de se faire est de la prévoir
d'avance. L'imaginer. Au lieu de se laisser vivre. Et laisser venir
le monde vers vous. Et réagir au jour le jour à lui, sans chercher
à suivre un programme, un chemin dessiné d'avance. La formalisation
des sentiments, la planification de la vie, tuent les sentiments et
la vie-même. On a beaucoup parlé du mariage ces derniers temps en
France, à l'occasion du débat sur le mariage entre personnes de
même sexe. Un débat qui en revanche n'a à ma connaissance jamais
été ouvert en grand dans l'opinion publique est le suivant :
pourquoi certains couples non mariés qui s'entendent bien et
décident finalement de se marier officiellement, vont se séparer
peu après ? Comme si le mariage venait ici détruire leur relation ?
Ce genre de question touche au fond des choses de la vie. Qui font
que quoi qu'on fasse, il faut s'écouter. On n'est jamais trop à
l'écoute attentive de ce que dit notre cœur.
Laisser le temps au
temps. Faire le cheminement de la découverte de l'autre. Autant
d'éléments qui manquent souvent dans la pratique de la recherche
amicale ou amoureuse chez bien des gens. On fait de l'apriorisme.
Par exemple, on pratique
l'angélisation ou la diabolisation. Combien de niais angélisent.
Croient qu'il suffit qu'une femme soit belle en suivant les critères
du jour, pour faire « le bonheur » d'un homme ? Et
d'autres qui font le même raisonnement à propos de la beauté d'un
homme ?
Inversement, combien
diabolisent ? Décrètent par avance, par exemple, qu'un homme ou une
femme « trop jeune » ou « trop âgé » pour
l'autre ne saurait le rendre heureux ?
Autant de manières
artificielles d'anticiper avec des à-priori pour chercher à conduire la vie relationnelle.
Exactement comme les expérimentateurs déjà mentionnés ici
cherchant à établir les bases d'un couple idéal et rencontrant un
échec flagrant.
Combien de personnes
cherchent des garanties, des trucs, des raccourcis, des chemins de
traverses pour arriver à un « bonheur » imaginaire. Et
vont chercher à « deviner » d'avance par quel chemin
mystérieux aller ?
Les librairies regorgent
d'ouvrages bidons rédigés par des gourous de fantaisie
auto-proclamés qui donnent leurs recettes « infaillibles »
pour trouver le bonheur garanti !
On pourra voir aussi
brandies à cette occasion des prétentions « scientifiques ».
Vous voulez trouver le bonheur et ne le trouvez pas ? Faites donc une
psychanalyse ! Ce qui est certain dans une psychanalyse classique,
c'est qu'au prix où sont les séances elles fera au moins le bonheur
financier de votre analyste !
On peut aussi faire appel
à la magie de l'astrologie : en vertu de la date de naissance d'un
inconnu, savoir par avance, avant de le connaître, s'il pourra faire
votre bonheur. Fadaises que tout cela !
Et si, au lieu de
chercher le moyen miracle d'arriver au bonheur obligatoire vous
commenciez par vous écouter ? Chercher, constater simplement ce qui
est en vous. Et qui, chose bien étonnante, le plus souvent ne
correspond guère à la pensée unique dominante.
A force d'alterner
traversées du désert et déceptions cruelles dans ma quête du
bonheur obligatoire, j'ai fini par constater que je ne trouvais pas
le sexe aussi passionnant qu'on voudrait nous imposer de penser. Je
ne le trouve même pas intéressant du tout, ou presque. Mais, j'ai
durant des dizaines d'années cherché à faire comme tout le monde.
C'est-à-dire à suivre la pensée unique qui proclame le bonheur
sexuel et obligatoire à chercher.
L'être humain est sexué.
Et alors ? Il a aussi un appendice qui ne lui sert à rien. Pourquoi
son zizi devrait lui servir absolument et obligatoirement à
s'accoupler régulièrement ? Les statistiques données par les
sondages à ce sujet m'apparaissent totalement fantaisistes. Si je
les compare avec le peu de confidences entendues autour de moi. Des
millions de gens ne baisent pas durant des semaines, des mois, des
années, voire jamais. Et les sondages donnent des statistiques
flamboyantes et totalement imaginaires montrant tous les humains
passant leur temps à baiser régulièrement.
Que de discours sur
l'être humain sexuel, asexuel, hétérosexuel, homosexuel, bisexuel
ou transsexuel ! En fait, l'être humain est sexué, tout simplement.
Il n'est pas sexuel, asexuel, hétérosexuel, homosexuel, bisexuel ou
transsexuel. Il n'est rien du tout de précis dans ce domaine.
Il est plutôt fraternel.
Au sens où il a besoin de l'amour des autres. Et de l'échanger avec
le sien.
Je ne me sens ni
fondamentalement sexuel, asexuel, hétérosexuel, bisexuel,
homosexuel ou transsexuel. Je me sens tout simplement fraternel.
Comme un prêtre ou une
religieuse ? demanderont certains.
Non, car un prêtre ou
une religieuse font vœu de chasteté et renoncent à la chair. Moi,
je ne renonce à rien. J'ai seulement renoncé de continuer à faire
comme si le sexe m'intéressait. Alors que j'ai constaté qu'il ne
m'intéressait pas, ou guère.
Puis-je changer ? Ou
changer, puis revenir à l'état présent ? Bien sûr. Mais ça n'est
pas l'essentiel. Et ça ne m'inquiète absolument pas. Ça peut tout
aussi bien ne jamais arriver. Ça ne m'empêchera pas d'être
fraternel. Et développer mon amour des autres.
Quant à ceux qui ne me
comprendront pas, ça n'est pas grave. Ils ne se comprennent déjà
pas eux-mêmes. A force d'écouter leur zizi, ils ont fini par
oublier qu'ils ont un cerveau et un cœur.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 8 décembre 2013
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