J'ai énoncé dans mes
écrits ma conception de la double identité de l'être humain : à
la base c'est un singe. Il est ainsi à sa naissance. Puis on en fait
un humain en lui déversant contradictoirement une masse d'éléments
: éducation, morale, interdits, dogmes religieux, habitudes, rappel
du respect des lois, etc. Il devient alors un singe contrarié qui
jongle plus ou moins consciemment avec ses deux identités
Loin de moi l'idée de
dénoncer globalement la seconde identité au profit exclusif de la
première, au nom d'une hypothétique et idéale « nature ».
Il existe des éléments de celle-ci que je rejette absolument. Il en
est ainsi du viol. Je suis totalement hostile au viol et reste
persuadé également qu'il n'y a rien de plus singe que le
viol. Le respect sacré du désir de l'autre et la condamnation
catégorique du viol relèvent selon moi de la civilisation humaine.
Le singe ignore ces normes. Quand il a envie de sexe avec un ou une
partenaire, il n'hésitera pas à lui imposer son désir et ne se
préoccupera pas s'il dérange, même très gravement.
De même le vol de
nourriture, par exemple, est certainement une chose naturelle entre
singes. La morale, les lois, les règles de bonne conduite qui
condamnent le vol sont aussi l'expression de la civilisation humaine
contradictoirement à l'identité singe.
Des faits ayant trait à
une histoire de viol sont parvenus à moi qui illustrent bien le
problème de la double identité singe-homme.
Une mère de famille m'a
fait part de ses interrogations et son embarras. Elle a une fille de
huit ans. Dans l'école que celle-ci fréquente, il y a une autre
fillette déjà beaucoup plus grande et mûre physiquement que ses
camarades. Cela arrive.
Et voilà qu'un jour une
petite fille va se plaindre. Elle accuse la fillette plus mûre de
l'avoir forcée dans les toilettes à lui « faire du
lèche-minou » !
Grand branle-bas de
combat à l'école ! L'accusatrice et l'accusée, avec leurs parents
respectifs, sont convoqués par le directeur. Celui-ci commence à
sermonner l'accusée, lui faire de la morale. Elle nie tout en bloc.
Souhaitant éviter que se
reproduisent des incidents dans les toilettes, l'encadrement scolaire
décide de les fermer à clé le matin, au moment de l'arrivée des
élèves ! Défense de pisser pour tous !
C'est seulement quand un
adulte est disponible pour surveiller les toilettes qu'elles ouvrent
enfin. Il veille à ce qu'aucun élève n'entre dans un cabinet de
toilettes avec un autre élève.
Cependant, la rumeur se
met à courir que la fillette accusée d'avoir agressé sa camarade a
une relation sexuelle régulière avec son frère aînée âgée de
seize ans. Il lui lèche régulièrement le minou et elle aime ça et
s'en vante. Bien sûr, la véracité de son propos est rigoureusement
invérifiable. Mais la rumeur panique les parents.
L'encadrement scolaire,
pour les rassurer, leur annonce qu'il est prévu un cours avec vidéo
pour mettre en garde les enfants. Ce cours est au programme pour...
dans deux ans !
La mère qui me rapporte
toute cette histoire s'affole : « mais, en deux ans, il peut se
passer un tas de choses ! »
En attendant, pour
protéger sa fille, elle lui a dit de faire très attention et de ne
pas aller seule aux toilettes. Que sa meilleure copine l'escorte afin
d'éviter des incidents.
Cette mère s'inquiète
de ce qu'elle peut faire pour protéger sa fille. On la comprend.
Elle trouve que
l'encadrement scolaire n'est pas à la hauteur et paraît débordé
par la situation.
Je pense que c'est vrai.
Notre éducation nous habitue à l'idée que les agressions sexuelles
sont commises par des agresseurs de sexe masculin. Ici, l'agresseur
supposé est de sexe féminin. On pense aussi que si un enfant est
agressé, il l'est par un adulte. Ici, l'agresseur est un enfant.
Enfin, on imagine l'inceste comme un viol. Ici, la « victime »
précoce se déclare consentante. Autant de tabous transgressés qui
dépassent les normes habituelles établies du comportement humain.
En revanche, vu avec un
regard singe, tous ces faits choquants pour des humains s'insèrent
très bien dans un cadre « singe », ce qui ne signifie
pas, bien évidemment, qu'il faille les approuver.
Une femelle singe très
jeune en agresse une autre et vit une relation de couple avec un mâle
singe qui fait le double de son âge et qui est par ailleurs son
frère. Sommes toute, une histoire simiesque sans grande originalité.
La sexualité des singes, totalement amorale et jouissive, ignore
parfaitement nos règles, lois, interdits humains.
Mais que répondre aux
inquiétudes de la mère qui m'a rapporté ces événements survenus
dans l'école fréquentée par sa fille ? Que faire pour protéger
celle-ci d'ennuis éventuels ?
J'y ai réfléchi. A mon
sens, trois choses sont possible :
Protéger, bien sûr.
Mais on ne peut pas toujours être présent.
Mettre en garde : le
problème est que les mises en garde peuvent susciter la frayeur.
Interdire. Là il y a
trois problèmes. Le premier est d'augmenter la frayeur avec des
interdits. Le second est qu'on risque de faire naître une
culpabilité. C'est interdit. Donc c'est mal. Donc c'est immoral et
inavouable. Résultat : si la fillette est agressée sexuellement,
elle peut avoir honte de se plaindre pour peu qu'elle se sente en
partie responsable de ce qui est arrivé. Enfin, tout le monde sait
qu'un interdit attire. En interdisant, on peut susciter un effet
inverse à celui souhaité.
A mon avis,
indépendamment des protections, mises en garde et interdits
possible, il faut expliquer à la fillette la chose suivante :
Dans le domaine du sexe,
tu ne dois jamais faire ce que tu n'as pas envie de faire.
Si on cherche à te l'imposer, tu as le droit de dire non
et ton refus doit être respecté. Si malgré tout on t'impose quoi
que ce soit, tu ne dois en aucun cas te sentir coupable
de ce qui est arrivé. Et pour ton bien, tu dois le raconter à au
moins une personne de confiance. C'est très important.
Et si tu as peur qu'un ennui se reproduise, on pourra s'occuper
spécialement de te protéger.
Bien sûr, on ajoutera
que s'il est légitime de pouvoir dire non, il l'est aussi de
respecter le refus des autres. Ainsi, on introduira le concept
fondamental dans la sexualité et toutes les relations humaines en
général, du respect de soi et de l'autre.
Et, par la suite, on
pourra ajouter les règles que l'on pense bonnes, telle que le
mariage, etc. Mais on aura déjà jeté les bases d'une éducation
sexuelle juste et une protection sérieuse pour l'enfant.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 4 janvier 2013
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