Existe-t-il une beauté
originelle inscrite en nous ? A mon avis oui. Ce sentiment esthétique
remontant à des temps où nous étions des singes libres et sans
industries, cette esthétique simiesque, suivait les formes de
la Nature sauvage dont nous faisions partie. S'agissant de l'espace
de vie, j'y relève quatre éléments : L'horizonalité : les
singes ont besoin d'avoir un horizon visible. L'alberité : ce
mot est dérivé de l'italien « albero », qui signifie
« arbre ». Les singes ne connaissent comme objets usuels
les plus grands que les grands arbres. Donc, aucun bâtiment ne doit
excéder la taille de ceux-ci. C'est pourquoi les petites maisons ont
toujours plus de charme que les grandes.
La basilité : ce
mot inventé également par moi est simplement dérivé de mon
prénom. Il désigne un phénomène particulier qui n'a pas de nom.
Dans la nature, rien n'est égal, rien n'est droit, rien n'est
régulier. Chaque brin d'herbe est différent, même de manière
presque imperceptible. Les lignes droites sont quasiment absentes,
exceptées dans les gloires et sur les minéraux cristallisés en des
formes régulières et géométriques. Ce phénomène était jadis
pris en compte par les architectes. Ainsi, l'arche arrondi sous le
premier étage de la Tour Eiffel est un ajout purement décoratif. Ce
choix contraste notamment avec les ignobles ponts d'autoroutes
dépourvus de tout arrondi avec lesquels on salit les campagnes du
monde entier depuis des dizaines d'années. Sans l'analyser, ni
l'identifier, la basilité est respectée dans la réalisation des
célèbres carrés en soie Hermès. Leurs bords sont toujours
roulottés à la main. Enfin, quatrième élément que je veux
évoquer de l'esthétique simiesque : le phénomène de la
clairière. Je l'ai remarqué en passant sous deux édifices parisiens
aujourd'hui détruits, l'un au Jardin des Plantes, l'autre dans le
14ème arrondissement. Un immeuble formant une barre basse un peu
comme un pont sous lequel on passe et découvre un espace dégagé
qui suit, largement éclairé par la lumière naturelle. L'effet est
saisissant. A l'esthétique singe, il faudra venir un jour, car la
plupart des constructions actuelles, des mobiliers urbains et
jusqu'aux enseignes de magasins réalisées aujourd'hui sont des
erreurs esthétiques, des horreurs architecturales, des verrues, des
ratages, des nullités sans âme. La
plupart des immeubles édifiés depuis une cinquantaine d'années illustrent le degré zéro de l'esthétique. Beaucoup sont
d'ailleurs aujourd'hui construits sans architectes. Un ordinateur
calcule et cela suffit. Quand on regarde les réalisations actuelles,
plusieurs règles anti-esthétiques caractérisent la monstruosité
dominante.
Tout d'abord le
géométrisme : tout en régularité, répétitions. La
laideur institutionnalisée : des immeubles noirs, d'autres
recouverts de carreaux genre salle de bains, l'horreur et la
médiocrité.
Les architectes
pistonnés, nuls et profiteurs qui remportent la plupart des grands
chantiers ont fait de leur incompétence, leur nullité et leur
mégalomanie à but lucratif, une nouvelle pseudo-esthétique. Le
gigantisme remplace la créativité. On érige également des
monuments coucous. C'est-à-dire des bâtis neufs à côté
de merveilles anciennes. Un exemple de ce genre de parasitage
est la chose élevée face à la merveilleuse et antique Maison
Carrée de Nîmes. Le plus célèbre exemple parisien est la
pyramide du Louvre. On détruit aussi des perspectives : les deux plus
magnifiques de Paris, dans l'enfilade des Champs Elysées
et du haut de la terrasse du Palais de Chaillot, sont à présent
barrées par de gigantesques tas de béton. L'architecture actuelle persévère largement dans ces impasses. Si un jour l'esthétique simiesque sera reconnue, et
cela arrivera, on détruira ou amendera toutes les laideurs,
notamment architecturales modernes, qui enlaidissent notre monde.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 7 décembre 2012
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