Un oxymore est une figure
de style qui vise à rapprocher deux termes (un nom et un adjectif)
que leurs sens devraient éloigner, dans une formule en apparence
contradictoire. J'en ai trouvé un dans des textes lus sur Internet :
« l'interdit structurant ». Car un interdit est toujours
déstructurant. Je m'explique. Il s'agissait de textes pédagogiques
ou prétendus tels. Soi-disant que pour grandir, se « structurer »,
le petit humain profite des interdits. En fait, la question est plus
complexe.
Tous les humains éduqués
portent deux « natures » en eux : la base simiesque et sa
contrariété faite d'interdits, règles, habitudes, affirmations,
traditions, etc.
Exemple : le petit humain
âgé de deux ans ou un peu plus galope librement en tous sens. Si un
danger surgit, il rejoint vite les grandes personnes. Ça, c'était
vrai en des temps où l'industrie n'existait pas. Du temps où nos
ancêtres vivaient tout nus. A présent, le même petit humain
courant en tous sens risque de se faire écraser par une voiture en
traversant la rue. Pour sa sauvegarde, on va lui interdire de courir
librement partout où et quand il veut.
Le petit humain jadis
allait sans méfiance se jeter dans les bras de tous les adultes de
son entourage. Aujourd'hui, dans nos villes, il est nécessaire de
lui apprendre à se méfier. Tous les humains ne sont pas tes amis,
sommes-nous obligés de lui dire. Ne vas pas avec n'importe qui. Ne
suit pas un inconnu.
Jadis, quand un petit
humain trouvait quelque chose de bon à manger, il s'empressait de le
porter à sa bouche s'il avait faim. Aujourd'hui, le même qui voit
un paquet de bonbons dans un magasin et cherche à le prendre,
l'ouvrir, se fera gronder. Il faut d'abord l'acheter, le payer. Et si
on n'a pas d'argent, il faut renoncer à y toucher.
Tous ces interdits
servent à nous adapter à un monde déstructurant où notre
simiécité (le singe en nous) est niée. On déstructure notre
singe, on nous dissocie incomplètement pour faire de nous des
humains adaptés à la vie dans la société « humanisée ».
Le caractère
contradictoire de cet avalanche d'interdits avec notre épanouissement
affectif et créatif n'a pas échappé aux commentateurs.
Certains ont prôné le
refus radical de tous les interdits.
Un enfant devrait selon
eux ne jamais être brimé et laissé parfaitement libre de faire
tout ce qu'il veut. Une anecdote me revient à ce sujet.
L'an dernier, à la
caisse d'un supermarché quatre personnes font la queue : une dame
âgée, derrière elle une quadragénaire avec son fils de huit ans
environ, et enfin derrière eux un jeune homme de quinze ou seize ans
qui tient dans ses mains un pot de confiture.
Le gamin de huit ans
pousse exprès le chariot contenant les achats de sa mère sur les
pieds de la dame âgée. Celle-ci se plaint et proteste. Il
recommence à lui écraser les pieds. La dame âgée apostrophe alors
la mère : « dites à votre fils qu'il arrête ! »
La mère répond : « il
n'en est pas question ! pour ne pas traumatiser mon enfant, dans son
éducation j'ai choisi de ne jamais le contredire, lui imposer des
interdits ! »
Le jeune homme, qui a
tout entendu, prend alors calmement son pot de confiture, l'ouvre et
le vide sur la tête de la mère. « Que voulez-vous ? lui
dit-il, moi également on m'a éduqué en m'autorisant à faire tout
ce que j'avais envie de faire. »
Cependant la dame âgée
passe à la caisse et, au moment de régler ses achats, elle dit à
la caissière avec un sourire : « le pot de confiture, c'est
pour moi. »
L'anecdote est belle.
J'ignore si l'histoire a été inventée ou non.
Elle situe bien en tous
cas l'absurdité de prétendre éviter les interdits en éduquant les
enfants. En Angleterre certains ont prétendu s'y essayer. Leur
expérience a donné un livre très à la mode dans les milieux
intellectuels français des années 1960. Il s'appelait « Libres
enfants de Summerhill ».
Je l'ai feuilleté et ai
bien vite trouvé les limites auxquelles se heurtaient les beaux
principes proclamés.
Dans de laborieux
passages, les éducateurs « libérateurs » expliquaient
aux enfants pourquoi il ne fallait surtout pas se masturber !
Bien sûr, ils n'avaient
pas été jusqu'à déclarer les bisous sur la bouche avec la langue
ou le fait de carrément s'accoupler contraire à la bonne éducation
!
En fait, on l'aura vite
compris : prétendre éviter les interdits dans l'éducation de
jeunes appelés à vivre dans une société qui en est remplie,
relève du fantasme inapplicable.
Que pouvons-nous faire
alors ?
Il faut aider les jeunes
à préserver, conserver et développer leur créativité, leur
indépendance et leur autonomie. Pour cela, un outil utile peut être
représenté par la goguette enfantine.
De tels genres de
sociétés festives et carnavalesques formées d'enfants existaient
déjà au cours des siècles, en des époques où le Carnaval
prospérait partout en France.
Une goguette, c'est un
groupe forcément petit. Si la goguette est composée d'adultes, le
nombre idéal est douze et dix-neuf maximum. Si ce sont des enfants,
on évitera qu'ils soient plus de neuf. Un adulte pourra les encadrer
et guider, tout en leur laissant le maximum d'initiatives possibles.
La goguette se réuni
ponctuellement pour passer un bon moment ensemble, chanter des
chansons, en improviser de nouvelles.
Apprendre à gérer la
goguette. S'assurer que tous en profite et s'y exprime, peut être un
cadre formidable pour apprendre à s'organiser, respecter, diriger,
créer ensemble.
De telles structures
peuvent être impulsés à partir de lieux où les enfants se
trouvent regroupés, comme l'école. Mais doivent connaître leur
indépendance propre.
Leur but reste de créer
et s'amuser.
J'invite tout ceux que
cela intéresse à y réfléchir et lancer des initiatives en ce
sens.
La goguette est la base
traditionnelle du Carnaval. La goguette enfantine est l'avenir du
Carnaval. Elle pourra aussi se doter de bigophones pour bien se faire
entendre dans la rue et dans les fêtes.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 2 décembre 2012
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