Il existe un moyen des
plus simples de se pourrir la vie, que je baptiserais : « la
programmation ». Vous avez l'idée d'une chose désagréable à
faire. Par exemple : aller dans un endroit désagréable où il y a
du pour et du contre pour aller. C'est le soir. Vous vous dites :
« bon, demain j'y vais. » Rien ne vous oblige vraiment à
le faire. C'est juste une pensée qui vous vient. Le lendemain, vous
vous réveillez et levez de très méchante humeur. Une pensée vous
obsède et vous poursuit : « il va falloir que j'aille à cet
endroit désagréable aujourd'hui ! »
Pourtant, rien ne vous y
oblige. Vous pouvez très bien remettre ou annuler ce déplacement.
Mais là, vous avez l'impression de ne pas être libre de votre
choix. Vous devez y aller. Et comme c'est une perspective
désagréable, vous commencez à traîner, angoisser, culpabiliser...
En fait, strictement rien
ne vous ôte la liberté d'agir autrement. Par exemple : de remettre
cette chose désagréable à plus tard. Vous pouvez très bien
respirer et vivre librement votre journée. La seule et unique chose
qui vient vous tourmenter, en réalité, c'est la programmation. Le
fait que hier soir vous avez « prononcé » mentalement
cette phrase : « demain, je dois aller à cet endroit. »
Pour vous débarrasser de
cette situation désagréable et vivre pleinement et librement votre
journée, il vous suffit de déprogrammer. Vous dire : « si
j'ai l'impression de devoir faire ça à présent, alors que rien ne
m'y oblige, et même que c'est beaucoup mieux de remettre ça à plus
tard, c'est à cause de cette programmation. Je n'ai pas à en tenir
compte. » Et ouf ! Ça va beaucoup mieux ! Vous êtes libre.
Si on ajoute que le genre
de pensées : « il faut que je fasse ça demain » est
classiquement consacrée à un acte désagréable et ennuyeux, on
comprend que la programmation vous pourrisse d'autant plus la vie. On
s'invente ainsi des obligations qu'on n'a pas. Si, un jour, vous
vous tourmentez à cause d'une chose ennuyeuse que vous pensez devoir
faire, pensez à vous demander : « mais n'ai-je pas lancé hier
soir, ou la semaine dernière, une programmation qui fait que je
crois, que j'ai l'impression de devoir absolument faire cette chose
maintenant. Alors qu'en fait rien ne m'y oblige ? »
La programmation est une
forme de désordre subtil, car elle vous prive de réflexion, sens
critique, liberté. C'est juste une affirmation bête : « aujourd'hui
avant telle heure, ou : à telle heure, je dois appeler cette
emmerdeuse. Ou : aujourd'hui, c'est mardi, je dois aller à cet
endroit qui m'emmerde passablement. » Et bien non. Rien ne m'y
oblige. Ce sont juste des pensées de programmation parasite que j'ai
énoncé mentalement hier soir. Je m'en débarrasse et vis
tranquillement ma vie.
La programmation fait
partie de ces pensées toxiques au même titre que d'autres. Par
exemple : « Ça s'est passé l'année dernière et j'ai
l'impression que c'était hier. Comme le temps passe vite ! »
Ou bien : « si je fais ça, qu'est-ce qu'on va penser de moi
? » Ça n'a aucune importance. Ce qui compte c'est ce que vous
allez penser de vous. Il vaut infiniment mieux avoir raison tout seul
que se tromper avec les autres.
Je vois fréquemment des
gens dirent : « bon, ils se plaignent de leur situation, mais
ne font rien pour que ça change. » Et alors ? Les « gens »
sont libres d'être cons. Où est le problème ? Pourquoi n'aurait-on
pas la liberté d'être totalement stupide et abruti ? La seule chose
que vous avez à faire étant de s'efforcer de ne pas suivre le
mauvais exemple. Quantité de gens sont de parfaits ânes. Ils font
de très grands efforts pour réussir à être malheureux. Et leurs
efforts sont récompensés. Plutôt que s'en désoler,
félicitons-les pour leur persévérance. Et rions sous cape de leur
bêtise. Nous n'avons pas pour rôle de jouer les Monsieur Propre qui
arrangent toutes les affaires du monde.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 8 décembre 2015
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire