Aimer sans limites est un rêve qui hante la
conscience générale. Même des brutes immondes rêvent à y
parvenir tout en faisant le contraire. Une multitude de comportements
préfabriqués, codes, non dits, malentendus, sous-entendus, mythes
et intolérances vont se glisser dans nos vies et faire échouer le
plus souvent cette grande espérance.
Au nombre des obstacles rencontrés on trouve la
culture pornographique :
On rencontre au moins trois aberrations dans la
pornographie. L'une est la prétention qu'il existerait un domaine :
le « sexe » qui serait exclusivement « physique ».
Il apparaît pourtant évident que caresser quelqu'un qu'on aime ou
quelqu'un qu'on ne connait pas n'est pas ressenti pareillement.
Une autre aberration de la pornographie est qu'elle
résume la vie aux câlins et les câlins à extrêmement peu de
choses : bisous avec la langue, masturbation, fellation, cunnilingus,
anulingus, doigtage, sodomie et accouplement. L'être humain, sa
surface épidermique ou muqueuse concernée, est ici des plus
réduites. Qu'il importe de « consommer » en suivant un
« mode d'emploi » sommaire et déterminé. C'est aussi
intelligent et raffiné que prétendre résumer la vie au plaisir, le
plaisir au fait de manger, le fait de manger aux desserts, les
desserts aux gâteaux et les gâteaux au sucre semoule. Après quoi,
on conclut en disant : « le but de la vie ? Manger du sucre ! »
Une troisième aberration, très dévastatrice, est
de confondre la relation réelle avec la prostitution iconographique
que représente la pornographie. Cela au nom d'une prétendue
jouissance extrême et colossale qui serait assimilée à
« l'orgasme ». La plupart des gens, la plupart du temps,
y compris les « acteurs » et « actrices »
pornos ne ressentent rien ou pas grand chose en s'adonnant à ces
encombrantes gymnastiques.
Un magazine français rapportait dernièrement le
résultat d'un sondage. Qui indiquait que deux femmes sur trois, à
choisir entre une partie de sexe ou un bon repas, préféraient le
bon repas. Ça n'est m'a pas étonné.
Il arrive parfois qu'abusé par la propagande
pornographique, une femme croit juste et épanouissant de faire la
pute gratuite. Ce genre de comportements expose à être rejeté par
les uns et méprisé et utilisé par les autres.
Une femme que j'ai connu agissait ainsi. Elle avait
un copain attitré, croyait pouvoir être ouverte à d'autres
éventualités, des aventures. Or, les hommes qui l'approchaient et
paraissaient intéressés lui jouaient toujours la même partition :
« on veut te voir sans ton copain, débarrasses-toi de lui, que
fais-tu avec ? » Alors qu'elle n'avait aucune envie de s'en
débarrasser. Ces hommes s'accordaient pour vouloir s'amuser avec
elle mais aussi jouer au coq dominateur. Résultat, cette femme
restait le plus souvent fidèle malgré elle. Et avouait à son
copain que s'il avait été jaloux, cela aurait été plus simple
pour elle. Elle l'aurait trompé par attirance pour l'interdit.
La cage dont il est impossible de s'évader est la
cage dont la porte reste ouverte.
Finalement, cette femme n'a plus supporté cette
situation. Elle a quitté son copain. Et commence alors pour elle un
grand moment de désillusion. Vue sa réputation et le fait qu'on la
sait vivre à présent seule, elle se fait harceler. Tout un tas de
crétins hommes la harcèle croyant qu'elle est un magasin de
confiseries sexuelles gratuites. Comme ça se passe en ville, en
plein jour et qu'il y a un public, le harcèlement ne va pas jusqu'à
l'agression physique et le viol. Elle se choisit un amant attitré.
Mais l'homme qu'elle choisit se révèle violent. Un gamin attardé
respecte-t-il un magasin de confiseries sexuelles gratuites ?
Cette femme finit par quitter cet amant. Et
déménager. Et changer de région. Là, elle croit qu'elle va
retrouver l'amour avec des amants sélectionnés. Qu'un d'entre eux
finira par lui déclarer sa flamme. Vouloir vivre avec elle. Fonder
une famille. Las ! Pour ces brutes elle est juste... une pute
gratuite.
Aimer sans limites reste le rêve. Mais le problème,
ce sont les limites créées par les aberrations fumeuses sur la
« sexualité ».
Celles-ci barrent la route à l'amour avec beaucoup
d'efficacité. Car elles enseignent que l'amour, si c'est le vrai, le
grand, bref l'amour « sans limites », c'est forcément,
nécessairement « sexuel ». C'est là une des plus
éclatantes stupidités que notre Civilisation ait inventé. L'amour
n'est jamais nécessairement « sexuel ». Il est l'amour,
sans limites, ni obligations, ni pré-programme défini. Un amour
épanoui pourra très bien ne jamais être « sexuel »,
comme il pourra le devenir, cesser de l'être, le redevenir ou pas.
Et on peut aimer d'amour plusieurs personnes sans pour autant devenir
un libertin.
L'amour est un processus simple et complexe à la
fois. Et il ne suit pas les salmigondis idéologiques de notre
société. Salmigondis qui proclament que l'amour entre deux êtres
du même sexe est forcément homosexuel. Et entre deux êtres de sexe
opposé est forcément hétérosexuel.
Et que l'amour impliquerait d'être « consommé ».
L'amour serait-il une denrée au même titre qu'une soupe d'asperges
ou un bouillon de poulet ?
Aimer sans limites est très largement possible à
tous.
L'autre jour je cherchais mes lunettes. Elles
étaient sur mon nez. Les humains avec l'amour font souvent la même
chose. L'amour est là, à portée de main, ils ne le voient pas.
Les enfants aiment sans limites. C'est un bon modèle
à retrouver. Et ils ne s'embarrasse pas avec des "plans"
sexuels.
Vous êtes adulte. Le sexe ? Oubliez-le ! L'amour
est-il sexuel ou non sexuel ? La question est mal posée. C'est comme
demander si tous les repas impliquent de manger des lasagnes à la
Bolognaise. Non, ça ne l'implique pas nécessairement. Si je réponds
ça, il y aura des imbéciles pour me rétorquer : « alors,
vous êtes contre les lasagnes à la Bolognaise ? »
Il en est de même pour l'amour et le sexe : l'amour
n'est ni sexuel, ni pas sexuel. Il n'est pas nécessairement sexuel.
Le même amour peut l'être par moments et pas à d'autres moments.
L'aberration de sexualiser à toutes forces l'amour
conduit à des absurdités. Une amie me disait un jour qu'elle avait
bien dû quitter son copain, et pourquoi ? « On ne faisait même
plus l'amour ! » L'amour réduit à un mouvement de va-et-vient
d'un morceau de chair dans un autre. On nage en plein délire. Et
pourtant, quand on pense ainsi, on paraît raisonnable aux yeux de
nombre de gens. Aimer se manifesterait par l'autorisation permanente
et l'obligation de baiser avec quelqu'un. Quelle ânerie ! Ajoutez-y
la jalousie et vous aurez la recette idéale pour ne pas aimer.
Une jeune femme m'expliquait chercher l'homme de sa
vie. Elle y mettait tant d'énergie et d'attente visible que tous les
hommes qui lui plaisaient la fuyaient. Elle était comme un chasseur
de papillons qu'elle mettait en fuite avec son filet. Résultat :
elle restait seule dans sa vie, à se morfondre sans amour. Mais,
cherchait-elle l'amour ? Ou a faire coïncider sa vie avec des
fantasmes ?
Le vocabulaire-même est piégé. Si on considère
l'expression « faire l'amour ». Il signifie que l'amour
« se fait ». Qu'est-ce à dire ? C'est réduire l'amour à
peu de choses : le frottement de deux organes.
Et si on va en plus ajouter les règles établies :
il faut un partenaire exclusif, unique, fidèle, etc. On va
s'accrocher à quelqu'un qui nous paraîtra un peu plus proche que
les autres. Et on finira par nier l'évidence. Que ce quelqu'un n'est
souvent qu'une idiote ou un idiot vaniteux qui se satisfait de vous
voir souffrir en lui courant après victime de vos rêves.
Un bon moyen de résister à cette obnubilation
possible est la P5 pour se déconditionner. P5 signifie :
« perspective 5 ». On décide que dorénavant on aimera
d'amour cinq personnes à la fois. Ce qui ne signifie en aucune façon
que cet amour sera forcément « sexuel ». Mais ce sera de
l'amour. Résultat, on ne s'accroche plus à quelqu'un, on s'en
éloigne éventuellement sans souffrances excessives. On sort du
piège du conditionnement amoureux. Pour vivre enfin. Et retrouver la
fraîcheur des amours enfantines. Qui vit toujours à l'intérieur de
nous.
Pourquoi cinq amours et pas un chiffre plus
important ? Pour pouvoir le gérer facilement. Et aussi j'ai eu
l'occasion de voir déjà mentionner ce chiffre. Dans un livre sur le
Brésil, il était dit que les machos dragueurs brésiliens
estimaient qu'à partir du moment où il y avait dans une soirée
cinq femmes présentes pour un homme, il n'y avait pas de jalousie
entre les hommes. Une amie m'a décrit un jour une sorte de
phalanstère de ses rêves où elle voyait le même rapport de
proportions de cinq femmes pour un homme. J'ai repris cette façon de
voir en enlevant l'hypothèque sexuelle. Celui ou celle qui inscrit
sa démarche amoureuse dans la P5 aime indifféremment des hommes ou
des femmes. Il peut aussi préférer n'aimer que des femmes ou que
des hommes. Et cet amour n'est absolument pas nécessairement lié à
une quelconque obligation sexuelle.
Il importe de se défaire du pesant conditionnement
qui nous emprisonne. Comme nous le partageons avec notre entourage,
nous ne remarquons pas clairement son existence et son rôle. Et il
nous envoie souvent droit dans le mur. Où nous rend simplement la
vie terne, grise et décevante.
J'observais une amie de longue date. Celle-ci, plus
jeune, n'avait pas particulièrement de pudeur corporelle. Sortir de
la douche devant des tiers, nue, pour aller ensuite s'habiller plus
loin, là où elle avait laissé ses vêtements, ne la dérangeait
pas. Ça l'amusait même de voir la tête des hommes frappés par sa
beauté physique nue et la regardant fascinés comme le chat regarde
le poisson. Voilà que, à présent, elle est devenue terriblement
pudique, pour quelle raison ? Parce qu'elle est amoureuse à crever
d'un homme. Comme cet homme lui ne l'est pas d'elle, en affichant
cette pudeur extrême, elle a le sentiment de lui être « fidèle ».
Et donc, indépendamment de lui, faire « vivre », exister
son amour. On nage dans le fantasme. L'amour ainsi vécu c'est de la
masturbation sentimentale. On se passe en boucle un film. On bave de
joie. On souffre aussi. Mais, pour rien au monde on arrêterait la
séance de film. Et on sortirait de la salle de cinéma où on est
seul, pour aller vers les autres. On préfère rester en dehors de la
réalité. Les promesses fallacieuses du conditionnement agissent
comme une drogue. Et cette toxicomanie empêche d'aimer et être
aimé.
Quitter le conditionnement n'empêche pas d'aimer et
être aimé, mais nous libère de chaînes intérieures.
Oui, il est facile et aisé d'aimer sans limites. A
condition de cesser de mettre des chaînes à l'amour à l'intérieur
de nous. Ce sont des chaînes amovibles. Virez-les et quittez
l'ornière des mauvais chemins. Pour aller en direction de la vie
réelle, la vie vraie, l'amour réalisé qui vit toujours et vivra
pour toujours en nous.
Basile, philosophe naïf, Paris le 3 juin 2014
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