J'écoutais récemment un
père s'extasiant sur sa fille. Il en parlait de la même façon que
s'il s'agissait d'une épouse aimée. Il en était totalement
amoureux comme d'une femme avec laquelle il voudrait faire sa vie.
Certains en concluront qu'il sera très malheureux le jour où,
adulte, sa fille encore aujourd'hui très jeune, quittera le foyer
paternel. D'autres émettront l'hypothèse inquiète qu'il pourrait
arriver un inceste au sein de cette famille, soit le viol de la fille
par son père. Enfin, l'avis rassurant et banal de certains sera de
dire : « il s'agit d'amour paternel, ça n'est pas du tout la
même chose qu'un amour conjugal ! »
Tous ces avis passent à
côté de la réalité. Cet homme aime sa fille comme une femme, tout
simplement parce que l'amour est un. Et ce sentiment n'est
rigoureusement pas « sexuel », c'est-à-dire devant
déboucher forcément sur l'acte sexuel. On aime de la même façon,
quel que soit l'objet qui suscite notre amour.
Ensuite, autre élément,
indépendant du sentiment, existe les câlins, caresses, bisous, etc.
Enfin existe l'acte
sexuel proprement dit.
Trois éléments qui ne
s'opposent pas et sont entièrement indépendants. Chose qui
généralement n'apparait pas clairement à la plupart d'entre nous,
pris dans le piège des mots.
On a dit que la langue
« est l'outil de la pensée ».
Que dire quand on use
d'outils défectueux ? Par exemple d'une boussole qui indique le sud
et pas le nord ?
D'une carte qui porte des
indications erronées ?
Il en est ainsi du
langage que nous utilisons. L'amour y apparaît découpé en
rondelles : filial, maternel, fraternel, sororal, conjugal, sexuel,
etc.
Les câlins sont
subordonnés au « sexe ».
Et le sexe est sensé
être au sommet de l'amour. On dit « l'amour », « faire
l'amour », « les ébats amoureux », pour désigner
la très prosaïque baise.
Et on se prend les pieds
dans cette sémantique traître. Comme les traditions religieuses -
et pas seulement judéo-chrétiennes, mais aussi d'autres religions,
- condamnent le sexe, elles cherchent à y rattacher tout ce qui
serait sensé y mener. Par exemple : la nudité, les caresses, les
mots d'amour, le sommeil partagé dans un même lit, etc.
Le concept d'amour
« physique », l'expression « faire l'amour »,
participent de cette terrible confusion. Et on croit devoir chercher
« en premier » un amour comprenant sexe et câlins.
Ce qui revient à
chercher dans un grand verger un pommier qui donne des pommes cuites.
Si vous critiquez les chercheurs, ils vous rétorqueront : « comment,
vous n'aimez pas les pommes cuites ? » ou : « les pommes
cuites existent, j'ai vu des gens en manger ». Ce qui n'empêche
pas que les pommiers portant des pommes cuites n'existent pas. Et que
l'amour « tout en un » : sexe et câlins et sentiments
d'extase en permanence à trouver dans la société n'existe pas non
plus.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 19 novembre 2013
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