Il est probable que le
club de free hugs intéresse les femmes, car ce sont les premières à
souffrir de la proscription des câlins causée par l'hégémonie
abusive de la sexualité dans le domaine câlinique.
Tout à l'heure je me
promenais dans une petite rue de mon quartier. Un père de famille me
dépasse, accompagné de ses deux enfants. Un petit garçon âgé de
six ou sept ans marche à son côté. Une petite fille de trois ou
quatre ans suit derrière. Elle s'arrête devant moi, me regarde,
sourit, dit « salut ». Puis cours rejoindre son père et
son frère quelques mètres devant moi. C'était charmant.
Qu'est-ce qui empêche
les jeunes filles, les femmes à être comme cette fillette ? Réponse
: l'hégémonie stupide et ridicule de la sexualité qui n'empêche
pas que les câlins, mais les relations en général, et pas que
entre filles et garçons. Et qui finalement perturbe et empêche très
souvent y compris la sexualité.
J'observais il y a
quelques jours une jeune femme dans le métro. Il y avait beaucoup de
monde. Elle était assise presque en face de moi. Tout le long du
trajet, sur au moins une dizaine de stations, elle est restée
rigoureusement immobile. Assise tout au fond de son siège, bien en
arrière, collée au dossier. Son regard fixe tourné vers la vitre.
Elle observait les gens dans le reflet, à la façon des enfants.
Toute son attitude respirait la peur. Peur de quoi ? Une hypothèse
très vraisemblable : peur d'être abordée, accostée, enquiquinée
par un homme, un dragueur. Car elle était très jolie.
On dira peut-être que
j'exagère. Je ne le pense pas.
Il y a cinq ans environ
je connaissais une très jolie jeune fille qui habitait la banlieue
sud de Paris et se rendait régulièrement à Paris pour ses études.
Elle m'a raconté que, à chaque fois qu'elle s'y rendait par les
transports en commun, il y avait au moins trois ou quatre fois dans la journée des jeunes gens
qui tentaient de l'aborder. Ils s'y prenaient tous de la même façon
: « Mademoiselle ! Mademoiselle ! » disaient-ils pour
attirer son attention. Pour les neutraliser elle écoutait
distraitement les sornettes qu'ils débitaient ensuite et s'en
débarrassait avec douceur. Toutes les filles n'ont pas cette aisance
pour réagir aux importuns. Et alors elles ont peur.
Une amie m'a évoqué
dernièrement le même genre d'ennuyeux, mais dans un cadre plus
général. Elle m'a dit que ce qui l'avait dérangé, c'est que
systématiquement, dès qu'elle a eu treize ou quatorze ans, tous les
garçons de son entourage cherchaient quelque chose. Et visiblement,
allant vers elle, avaient toujours une idée derrière la tête, un
calcul pour y arriver. C'était embêtant.
Ce n'est pas le sexe qui
la dérangeait, mais le comportement intéressé et peu sincère des
garçons. Leur incapacité à entretenir une relation avec une fille
sans la réduire à une cible.
Il n'y a pas que les
filles qui peuvent ainsi être niées. Ça peut également arriver
aux garçons.
J'observais il y a
quelques années une scène curieuse via Po, une grande avenue de
Turin. Un très jeune homme et une très jeune fille qui évoluaient
dans cette artère de la ville. La fille harcelait littéralement le
garçon en cherchant à l'embrasser. Lui, essayait maladroitement de
se dérober sans oser l'envoyer balader. On aurait dit une scène
classique où une jeune fille se fait embêter par un dragueur lourd.
Sauf qu'ici les rôles étaient inversés,. Et l'enquiquiné n'était
pas la fille, mais le garçon.
J'ai connu de près un
autre cas dans ce genre. Un jeune homme très beau qui était
littéralement pourchassé par au moins une jeune et jolie fille qui
allait jusqu'à monter la garde en bas de son immeuble en espérant
ainsi parvenir à lui fondre dessus quand il rentrerait ou sortirait
de chez lui. Ce jeune homme souffrait visiblement beaucoup de cette
situation. Quelques temps après il a carrément arrêté de
fréquenter les jeunes filles et s'est mis en couple avec un garçon.
En quelle mesure ce changement résultait de ce qu'il vivait
auparavant dans le domaine sentimental avec les filles, je n'en sais
rien.
Quand j'avais onze ans,
j'étais très timide. Et n'allant pas à l'école n'avais aucun ami
de mon âge. Mes parents avaient une amie américaine prénommée
Dorothée. Elle est arrivée un jour avec une fillette américaine
légèrement plus âgée que moi, Aprile. Celle-ci, plutôt
entreprenante et dégourdie, tout le temps de sa visite dans ma
famille, m'a littéralement couru après, cherchant systématiquement
à m'embrasser sur la bouche. Ce qui me gênait horriblement. Toute
la famille et Dorothée observaient et riaient beaucoup. En fait,
cette fillette était très mal élevée. Mais personne n'a pensé à
la remettre à sa place.
Cela se passait au début
des années 1960. Depuis, le monde n'a pas beaucoup changé dans ses
fondements, mais superficiellement. Le sexe est toujours présenté
comme omniprésent, y compris là où il n'a rien à faire.
Dernièrement j'entendais
parler de la proposition d'organiser officiellement en France un corps de
prostitués thérapeutiques chargés de satisfaire sexuellement les
handicapés. Je pense qu'il s'agit d'une monumentale erreur.
Tout d'abord, si j'étais
handicapé je trouverais extrêmement humiliant et démoralisant,
insultant même, qu'on me déclare qu'en amour je ne peux pas espérer
autre chose que « baiser avec des putes fournies par l'État ».
Appelons les choses par leur nom. Ensuite la vraie question est
d'abord à mon avis celle des câlins et pas de l'acte sexuel. Les
gens qui proposent de créer une prostitution de confort pour les
handicapés ne comprennent rien à la vie, y compris leur vie à
eux-mêmes.
J'ai lu que là où la
prostitution à destination des handicapés existe déjà et est
légale, comme aux Pays-Bas, certains handicapés ont droit juste à
des caresses, pas à l'acte sexuel. Le commentateur de cette
information affirmait que c'était sexuel. En fait il n'y comprend
rien. Les câlins ne sont pas et n'ont jamais été sexuels. Ils
forment un aspect des relations entre les humains et aussi des
humains avec les chats, les chiens, les chevaux, etc.
Les millions de personnes
qui, en France, ont un chat ou un chien à la maison le savent bien.
Les chats et les chiens
remplacent bien souvent l'amour que les humains abusés par leur
culture dominante stupide se retrouvent incapables de donner,
recevoir, partager.
Notre société empêche
les relations entre les gens, de par les idées qui la dominent.
Idées qu'on a vu servir de modèle pour les femmes au cours de ces
dernières décennies. S'émanciper, c'était soi-disant faire comme
les hommes. Pourquoi ceux-ci devraient-ils servir de modèles ? C'est
là leur reconnaître une supériorité sur les femmes. On a vu ainsi
les femmes en masse se mettre à fumer autant que les hommes et
rattraper ces derniers dans le domaine du cancer et autres maladies
causées par le tabac. Et draguer, comme les hommes. Autre erreur, au
lieu de développer d'autres relations plus respectueuses des êtres,
plus authentiques et chaleureuses. L'émancipation de la femme ne
consiste pas à imiter l'homme dans ce qu'il fait de stupide et
détestable, comme fumer et draguer. Ne pas fumer, aimer et câliner
c'est mieux. Ce qui n'interdit pas le sexe, mais en son lieu et à sa
place. Sans qu'il occupe tout d'espace ou presque dans la relation
humaine adulte. Les clubs de free hugs représente l'avenir des
relations humaines débarrassées des scories du passé.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 17 avril 2013
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