Pouvant être plus ou
moins évalués en équivalents monétaires, il existe de vrais
valeurs et des apparences de valeurs. Si vous rangez votre
appartement ou faites réviser leurs leçons à vos enfants, vous
n'êtes pas payé. Cependant, si vous faites venir une femme de
ménage ou un professeur particulier chez vous, pour réaliser les
mêmes travaux, ils auront un coût déterminé. On peut donc dire,
d'une certaine façon, que vous créez de la valeur en rangeant votre
appartement ou donnant vous-même ces leçons. Valeur évaluable en
argent si vous sollicitez un tiers extérieur pour faire la même
chose.
La fabrication d'autres
vraies valeurs est facile à identifier : celle du pain que vous
allez manger, de la voiture qui vous servira à vous déplacer, etc.
Certaines sont plus abstraites : l'émission de la chanson qui vous
distrait, l'écriture du poème qui vous fera rêver, etc. Mais,
toutes ces valeurs sont bien là.
A côté des vrais
valeurs existent des apparences de valeur, ou des valeurs très
faibles et très très largement surévaluée. L'exemple le plus
frappant pour ces dernières, ce sont les métaux dits « précieux ».
Prenons l'or. C'est un métal pratiquement inutile et dépourvu
d'intérêts. Il n'a d'utilité que pour la confection de bijoux, de
montres de luxe, de reliquaires religieux anciens, d'appareils
dentaires, et, en très faibles quantités, en électronique et en
médecine, où on n'en a besoin qu'en qualité d'oligo-élément.
Sinon, l'or, mou, très pondéreux, ne sert à strictement rien.
Autre exemple d'apparence
de valeur : la monnaie. En métal, elle alourdit le porte-monnaies et
n'a aucune usage utile en tant que rondelles métalliques. En papier,
elle n'a rigoureusement aucune valeur réelle par elle-même. Et
quand elle est électronique, autant dire qu'elle n'existe pas.
Pourtant, de nos jours,
un lingot d'or ou une liasse de billets de cent euros, qui sont des
apparences de valeurs, ont plus de valeur reconnue qu'un morceau de
pain ou un kilo de lentilles, qui se mange et sont des valeurs
réelles.
Durant des périodes plus
ou moins longues, cette absurdité est plus ou moins supportée et
supportable. Les vraies valeurs et apparences de valeurs cohabitent
tant bien que mal dans nos vies.
Mais, à certains
moments, des déséquilibres calamiteux surviennent. Ce fut le cas
lors de la décadence de l'Empire romain.
A cette période Rome
avait dégénéré et vivait en parasite sur des multitudes
d'individus extérieurs, victimes de la conquête romaine. L'or,
apparence de valeur, les tributs en monnaies, apparences de valeurs
aussi, affluaient à Rome. Les Romains ne travaillaient plus, ou
presque. Résultat : ils étaient apparemment très riches en or, en
monnaies, et en fait très pauvres, car ne créant plus de vraies
richesses.
Cet état de choses à
duré un temps. Puis le tout s'est effondré. Ce fut la chute de
l'Empire romain. La chose n'est pas expliqué ainsi en général.
L'Empire romain se serait soi-disant écroulé sous la pression des
invasions dites « barbares ». C'est faire de la
conséquence une cause. Les « barbares » ne sont
« entrés » que parce que l'Empire romain s'effondrait de
lui-même.
Tous les empires sont
viciés de la même façon. Ils finissent par privilégier les
apparences de valeurs au détriment des vraies valeurs. On peut
trouver de multiples exemples de ce phénomène, par exemple avec les
empires espagnol et portugais.
L'Espagne pillait l'or et
l'argent très abondants dans les Amériques. Le pays lui-même
vivait en parasite. En apparence riche, en or et argent, il était en
fait pauvre en vraies valeurs. Et, à la fin, il est arrivé
naturellement la même chose à l'Empire espagnol, qui était arrivé
auparavant à l'Empire romain.
L'Empire portugais a
terminé pareillement, pour les mêmes raisons. Le Portugal, pauvre
en vraies valeurs, pillant son vaste empire, a fini, lui aussi, par
le perdre.
On peut se demander en
quelle mesure cette manière d'agir a causé la chute de l'empire de
Hitler. Les Allemands, mobilisés par millions, ne travaillaient
plus. L'Allemagne s'appauvrissait tout en pillant, notamment et en
très grande quantité, l'or et la monnaie des pays vaincus.
C'est-à-dire des apparences de valeurs, pas des valeurs réelles.
Aujourd'hui, que
voyons-nous en Europe ? Les politiciens qui nous gouvernent
n'arrêtent pas de clamer que le sort de l'euro, une apparence de
valeur, importe plus que donner à manger aux enfants et pas
seulement. Ils ferment nos usines, mettent notre jeunesse et plus
encore, au chômage. Tout cela en échange de quoi ? D'accumulation
fantastique d'apparences de valeurs : des milliers de milliards
d'euros comptabilisés électroniquement ou sous la forme de petits
rectangles de papier. C'est-à-dire, en fait, rien. Les billets
pouvant servir, à la rigueur, d'allume-feu. Mais un journal périmé
y suffit largement. Sans compter que beaucoup de gens se chauffent à
présent à l'électricité, au gaz ou au fuel et n'ont plus besoin
d'amorcer l'allumage de leur feu avec du papier.
L'euro est devenu une
sorte de dieu moderne, un Moloch sur l'autel duquel on sacrifie tout
ce qui paraît bon et viable. Des politiques, des financiers, des
journalistes, sont les prêtres de ce culte barbare.
Avant que l'euro arrive,
ils nous promettaient des merveilles. Tous les prix allaient baisser
de trente pour cent. A présent que l'euro fait naufrage, et nous
avec, ils nous annoncent qu'y renoncer serait terrible. Tous ces
discours vont dans le même sens : il faut, on doit accepter leurs
choix, même les plus calamiteux.
Le déséquilibre entre
les vrais valeurs en voie de destruction et les apparences de valeurs
est devenu phénoménal. Les coffres sont remplis de billets et la
misère de masses s'étend partout autour. Loin de renoncer à cette
situation absurde car voulue et ne menant nulle part, nos gouvernants
continuent dans le même sens en invoquant pour alibi un mal
mystérieux, un mot magique : la « crise ».
Cette situation ne pourra
pas durer indéfiniment. Comme cela est déjà arrivé avec les
empires romain, espagnol, ou portugais, l'Europe finira
inéluctablement par s'écrouler.
Telle est la loi de
l'Histoire, elle est sans appel.
L'empire européen finira
comme les autres, dans l'abîme où la vanité a conduit tous les
autres empires avant lui.
Plus vite ce moment
arrivera, mieux ce sera en économies de misères et de souffrances.
En voyant le tableau
actuel de nos gouvernants s'agitant autour de l'Europe et de l'euro,
je suis tenté de m'exclamer : « Hommes, femmes, qu'avez-vous
fait de votre intelligence ? Rien ! Vous avez vraiment oublié
de vous en servir. »
Et dire que j'y ai cru,
il y a bien des années, à l'Europe...
Basile, philosophe
naïf, Paris le 27 octobre 2012
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