mardi 9 décembre 2014

312 Origine économique de la morale sexuelle

Quand on entends commenter la morale sexuelle, essentiellement répressive et pleine d'interdits, on lui voit attribuer une origine souvent religieuse ou « naturelle ». Il en est ainsi du très fameux tabou de l'inceste. Passé l'invocation des prohibitions d'origine religieuse, on voit prétendre que celui-ci a une origine « naturelle ». Il aurait pour but d'éviter la naissance d'enfants faibles ou dégénérés du fait de l'excès de consanguinité. Si on étudie bien cette argumentation, on constate qu'elle ne tient pas la route. En effet, s'il s'agissait vraiment du souci d'empêcher la naissance d'enfants débiles, on devrait voir tout aussi vigoureusement condamner et pourchasser les unions avec des personnes malades ou âgées avec une plus jeune. Ce qui n'est pas le cas.

Si je baise ma sœur, en Allemagne, je risque la prison. Si, à 63 ans, en Allemagne, je mets enceinte une jeune femme qui n'est pas une parente proche, en dépit de la probabilité accrue que l'enfant soit faible ou débile, je ne risque rien. Il s'agit donc de bien autre chose que la santé des enfants à naître.

La législation actuelle en Italie et en France vend la mèche. En Italie l'inceste n'est en aucun cas un délit, à la condition expresse qu'il ne lui soit pas conféré la notoriété. En résumé, baisez avec qui vous voulez, mais allez-y discrètement. Et alors vous ne risquez pas le glaive de la loi.

Mais, c'est avec la loi française qu'on découvre le pot-aux-roses. L'inceste n'est pas punissable par la loi. En revanche, les enfants nés de couples incestueux ne peuvent en aucun cas se voir reconnue leur filiation authentique. Par exemple, un père qui a un enfant avec sa fille est dans l'impossibilité juridique de le reconnaître. En résumé, il y a un enfant. Mais il n'est pas en droit d'exister légalement comme les autres enfants. Il n'est pas possible pour lui d'avoir légalement son père. Quelle est le motif de cette bizarrerie qui amène à nier tranquillement la réalité de l'existence ?

C'est alors que la vérité éclate sur l'origine de la prohibition de l'inceste, qui n'est ni morale, ni religieuse. Elle est économique. Il s'agit de la question de l'héritage. Car, qui dit filiation dit héritage. C'est pour éviter des conséquences dans ce domaine que l'acte sexuel entre parents proches a été prohibé un jour.

C'est pourquoi en France vous pouvez légalement coucher tant que vous voulez avec votre mère, sœur, père, frère... mais si un enfant naît de cette union, il ne pourra pas avoir légalement de père.

Les discours sur l'origine morale, religieuse, sanitaire, traditionnelle, etc. du tabou de l'inceste relèvent de la littérature. C'est juste une question de transmission de la propriété qui est à l'origine de cet interdit soi-disant fondamental de la société. Car il est en fait fréquemment violé, mais pas ouvertement. Il l'est dans les conditions énoncées par la loi italienne : sans notoriété trop visible.

Les règles dites morales ou religieuses viennent ensuite pour encenser l'interdit économique.

Dans les régions où la terre cultivable est rare, comme au Bhoutan, la tradition faisait qu'une femme en épousant un homme épousait simultanément tous ses frères. Ainsi, on ne risquait pas de voir les terres possédées par les parents des maris trop fragmentées par la conséquence des héritages. Une femme ayant les enfants de plusieurs hommes. Tandis que si chaque femme avait un mari unique et différent, la terre serait divisée en autant d'héritages que de couples. Ici, il n'y a qu'un couple « élargi » qui hérite des parents. Quand bien-même ceux-ci auraient dix fils.

Pour des raisons également économiques la multiplicité des partenaires sexuels des femmes est pareillement traditionnellement prohibés. L'homme, traditionnellement, baise tant qu'il veut. La femme, elle, qui pond les héritiers, n'a droit qu'à un unique géniteur de ses bébés. Quelquefois sous peine d'être mise à mort si elle ne reste pas visiblement rigoureusement fidèle à son époux.

Une étrangeté du droit français veut que « l'agression sexuelle » est prescrite au bout de trois ans et le viol au bout de dix. Pour quelle raison une telle différence ? Il faut lire entre les lignes. Le viol est considéré comme beaucoup plus grave tout simplement parce qu'il remet en question la virginité des jeunes filles. En quelque sorte, la garantie de fraicheur et de non gravidité de la femme. Élément essentiel dans le cadre du commerce des femmes que représente le mariage traditionnel, arrangé et organisé pour des motifs économiques. Il n'y a pas si longtemps, me disait un ami auvergnat, dans les bals de son village on ne laissait danser les filles héritières d'une ferme qu'avec des garçons héritiers d'une ferme. Les parents y veillaient. Partout ailleurs le motif économique se retrouve aussi derrière les règles régissant la morale sexuelle. Une vieille fermière autrichienne nous montrait, à ma mère et moi, avec beaucoup de contentement les photos de mariage de ses quatre filles. Et ajoutait : « elles ont toutes épousé un garçon qui héritait d'une ferme ». Ça se passait en 1973.

Un des domaines les plus étranges de la morale sexuelle officielle concerne la majorité sexuelle. Il s'agit de l'âge, distinct de la majorité civile, à partir duquel une fille ou un garçon peut baiser avec un partenaire civilement majeur sans que ce dernier encourt un châtiment impitoyable, de l'ordre de dix années de prison, et l'opprobre généralisé. Officiellement, on parle ici de protection de l'enfance. Mais de quels enfants s'agit-il au juste ? En Espagne, la majorité sexuelle est à treize ans, en Italie quatorze, en France quinze, en Suisse seize. En résumé, si étant majeur je baise avec un ou une mineur de juste treize ans révolu à Madrid je ne risque rien. Sitôt la frontière franchie, la même aventure me vaut d'être classé en France comme un monstre et me retrouver en prison. Si la même aventure m'arrive en Italie avec un ou une partenaire de juste quatorze ans révolu, je ne risque rien. Mais, si je connais la même aventure en France, même topo, même condamnation morale et pénale. Enfin, si je baise en France avec un ou une partenaire de juste quinze ans révolu et qu'il m'arrive la même chose en Suisse, me voilà classé monstre et emprisonné chez les Suisses. D'où provient cette disparité pour le moins étrange ?

A-t-elle un rapport avec la protection de l'enfance ? Autre fait révélateur : la majorité sexuelle est à Mexico City fixée à... onze ans. Et, en France, elle était aussi fixée à onze ans jadis. Pourtant on se retrouve là carrément avec des enfants qu'on a l'autorisation de baiser. Comment la loi peut-elle ou a put-elle tolérer une chose pareille, alors qu'elle se déclare prétendre protéger l'enfance ? La raison, une fois de plus, est en fait économique.

Jadis en France et dans les sociétés peu développées économiquement, les enfants travaillent. Donc, ils cessent précocement d'appartenir à la sphère économique parentale. Pour cette raison, moins l'économie est développée, plus tôt le producteur ou la productrice n'appartient plus à ses parents et devient officiellement baisable. A onze ans à Mexico City, et en France jadis, à treize en Espagne aujourd'hui, quatorze en Italie, quinze en France actuelle et seize en Suisse pays économiquement plus riche et développé.

A l'origine de la loi sur la majorité sexuelle on ne retrouve pas des motifs moraux, religieux, ou de protection de l'enfance, mais des considérations économiques.

La morale n'a pas grand-chose à voir là-dedans. Il s'agit de propriétés et transmissions d'héritages. Le jour où l'Humanité sera délivrée des contraintes économiques et des conséquences aberrantes des héritages trop importants, la morale et les lois verront ce changement se répercuter sur elles. Comment changeront-elles précisément ? C'est très difficile à dire. Mais ce qui est certain, c'est que la vie sera organisée différemment. Elle sera certainement beaucoup moins violente qu'aujourd'hui, et même peut-être enfin respectueuse pleinement de l'être humain. Et la protection des personnes et des biens ne sera plus, comme parfois, le prétexte à l'inverse, mais une réalité générale et intangible.

Basile, philosophe naïf, Paris le 9 décembre 2014

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